vendredi 13 novembre 2009

Bernard Faÿ

Une métamorphose énigmatique

Éric Roussel
12/11/2009 «Le cas Bernard Faÿ du Collège de France à l'indignité nationale» d'Antoine Compagnon - Il retrace l'itinéraire de Bernard Faÿ, un intellectuel de l'entre-deux-guerres devenu un collaborateur patenté.

Dans les années 1970 paraissaient de loin en loin des livres d'un certain Bernard Faÿ, qui devait disparaître en 1979. Le dernier de ces ouvrages, consacré à Rivarol, sortit en 1978 ; curieusement, il ne comportait aucune présentation, même sommaire, de l'auteur. Après avoir lu la savante et passionnante étude que vient de consacrer à ce dernier Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, on comprend mieux pourquoi. Figure du Tout- Paris intellectuel de l'entre-deux-guerres, spécialiste reconnu de la civilisation américaine, élu à ce titre au Collège de France à moins de quarante ans (il était en concurrence avec André Siegfried !), Bernard Faÿ se métamorphosa en effet pendant la guerre en collaborateur patenté de l'occupant. Administrateur de la Bibliothèque nationale, il s'illustra par le zèle avec lequel il poursuivit de sa vindicte les Juifs et mena une véritable croisade contre la franc-maçonnerie. Condamné aux travaux forcés en 1946, évadé quelques années plus tard, gracié en 1959, il eut une sinistre fin de vie, marquée par l'amertume et la certitude d'avoir été victime d'un complot.

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Rien ne laissait malgré tout supposer les abîmes dans lesquels sombra ce singulier personnage de 1940 à 1945. Car ce ne sont pas seulement des opinions aberrantes que l'on put reprocher à Bernard Faÿ, mais bien des faits, générateurs d'un sort funeste pour de nombreuses personnes. Au bout du compte et au terme d'un travail d'une probité exemplaire, Antoine Compagnon s'avoue lui aussi incapable d'expliquer rationnellement la conduite de son triste héros. Dans leurs pires errements, Drieu la Rochelle, Benoist-Méchin, et même Brasillach conservèrent une certaine noblesse. Rien de tel dans le cas de Bernard Faÿ, dont la méchanceté, la mesquinerie et l'absence de toute générosité éclatent littéralement. Le vrai mystère est qu'un tel individu ait pu assez longtemps faire illusion et atteindre les sommets de la méritocratie républicaine. Mais il est vrai qu'aucun système de sélection ne peut déceler les failles intimes qui dictent les destinées humaines. Le drame de Bernard Faÿ fut sans doute de n'avoir pas réussi à réaliser l'unité de son personnage, de n'être jamais parvenu à transcender cet échec par l'art. Estimables, d'une érudition incontestable, ses livres ne constituaient pas l'œuvre dont cet esprit tourmenté rêvait probablement. D'où, comme dans le cas de Maurice Sachs, une haine de soi irrépressible, une fuite en avant, débouchant sur l'abjection.

«Le cas Bernard Faÿ du Collège de France à l'indignité nationale» d'Antoine Compagnon, Gallimard, coll. Suite des temps, 208 p., 21 €.

http://www.lefigaro.fr/livres/2009/11/12/03005-20091112ARTFIG00468-une-metamorphose-enigmatique-.php

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je vais toujours voir s'il y a des "métamorphoses"...

Wikipédia :
Bernard Faÿ, né le 3 avril 1893 à Paris, est un universitaire, administrateur et écrivain français. Croix de guerre 1914-1918 reçue à la bataille de Verdun en août 1917. Administrateur général de la Bibliothèque nationale pendant le régime de Vichy. Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité en 1945 pour collaboration avec l'occupant. Gracié en 1959 par le Président Coty, il meurt le 31 décembre 1978 à Tours (Indre-et-Loire).

peut-être un indice ?
période critique septennale des 49 ans de octobre 1941 à avril 1943...
ce peut être une période de "zèle" particulier, et de changement de la personnalité...

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